L’intégration du secteur bancaire turc sur le marché africain est-elle envisageable?

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Ces dernières années, la Turquie semble avoir fait de l’Afrique le centre de ses priorités. Bien que cette volonté de la Turquie de s’ouvrir à l’Afrique ait prise de l’ampleur récemment, elle date de la fin des années 1990. Que ça soit les relations diplomatiques ou les échanges commerciaux, la Turquie se fait remarquer par sa présence sur le continent. Au cours des dix dernières années la Turquie a pratiquement quadruplé le nombre de ses représentations diplomatiques sur le continent, signé plusieurs accords de coopération dans plusieurs domaines avec les pays africains, a vu ses échanges commerciaux avec le continent tripler et a augmenté de façon exponentielle ses investissements en Afrique. Mais compte tenu des potentialités et des opportunités d’affaire en Afrique, ces investissements semblent insuffisants et que beaucoup restent encore à faire. La Turquie est présente dans le secteur du transport aérien, la construction, du textile, l’agriculture, l’agroalimentaire pour ne citer que ceux-là.  Cependant on peut remarquer l’absence flagrante de la Turquie dans le secteur financier plus précisément le secteur bancaire, qui est aussi un secteur en plein gestation, pourrait être un catalyseur essentiel pouvant appuyer ses efforts de développer ses échanges économiques et commerciales avec le continent. Une intégration financière entre la Turquie et les pays d’Afrique pourrait intensifier ce partenariat où les deux cotés sortiront gagnants. Cela pourrait faciliter la circulation des capitaux, favoriser la croissance des échanges commerciaux et aussi à une croissance des investissements turcs en Afrique et inversement. Il est temps que les dirigeants accordent une attention particulière à l’idée d’une intégration financière.  Le temps de porter ce partenariat a un niveau supérieur est sans doute arrivé.

Les relations économiques Turco-Africaines

A travers son « Plan d’Action pour l’Ouverture en Afrique » la Turquie avait entamé son processus d’ouverture en Afrique en 1998. Et ce n’est qu’à partir de 2003 sous le leadership du Président Recep Tayyip Erdoğan, alors Premier Ministre, que cette volonté d’ouverture vers l’Afrique s’est accentué et concrétisé. Une stratégie pour le renforcement des relations économiques et commerciales avec l’Afrique fut adoptée. La Turquie déclare l’année 2005 « année de l’Afrique », la même année elle a participé au sommet de l’union Africaine en tant que membre observateur, trois ans plus tard l’Union Africaine déclare la Turquie « Partenaire Stratégique » et en 2013 la Turquie devient un pays membre de la Banque Africaine du Développement (BAD). Un partenariat Afrique-Turquie a été mis en place en 2008 lors d’un sommet à Istanbul qui s’est terminé par l’adoption de deux documents : la déclaration d’Istanbul et le cadre de coopération. Ce cadre déterminait les domaines de coopération entre les deux partenaires. Cela prévoyait une coopération intergouvernementale, une coopération dans le domaine du commerce et l’investissement ; l’agriculture, l’agroalimentaire, le développement rural, la gestion des ressources en eau et les petites et moyennes entreprises ; la santé, paix et sécurité ; l’infrastructure, l’énergie et transport ; la culture, le tourisme et l’éducation ; les médias, les technologies de l’information et de la communication ; et enfin l’environnement. Depuis lors la Turquie n’a cessé de fournir d’effort pour développer ses relations avec les pays Africains par l’augmentation du nombre de ses représentations diplomatiques (De nos jours 41 contre 12 en 2003), des accords de partenariat et de coopération dans le domaine de l’éducation, l’économie, l’agriculture, la défense, la paix et sécurité …etc. Quant à ses relations économiques et commerciales avec le continent, malgré les divers obstacles et que beaucoup reste à faire, on peut affirmer que la Turquie a réussi son pari sur le court terme. Les échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique qui étaient en 2003 de 7,47 milliards de dollars ont augmenté considérablement au fil des ans pour atteindre 23,4 milliards de dollars en 2014 avant de redescendre à 17,5 milliards de dollars en 2017. Les investissements directs turc sont passés de 100 millions de dollar en 2003 à plus de 6 milliards de dollars en 2018 sur le continent. Il faut aussi noter la présence la compagnie aérienne Turkish Airlines, qui dessert 51 villes dans 34 pays. C’est qui fait d’elle la seule compagnie aérienne à couvrir autant de vol sur le continent et cela est un facteur positif pour les échanges commerciaux. En plus de Turkish Airlines, on compte plusieurs entreprises turques opérant en Afrique parmi lesquelles on peut citer Arçelik, Ayka Textille, Bim, Summa ve Limmak Holding … etc.

Un secteur bancaire en pleine d’émergence

Dans le secteur de la finance, qui est en plein d’émergence mais aussi très concurrentielle, les investissements turcs sont encore absents. Dominé par quelques banques européennes jusqu’à la fin des années 1990, les groupes bancaires régionaux se sont vu émergé progressivement en groupes bancaires panafricains et sont devenus les véritables leaders du secteur. Peu nombreux, ils sont issus de quelques pays : le Maroc et le Nigéria affichent les réseaux les plus importants, suivis par l’Afrique du Sud et, depuis peu, par le Kenya et le Gabon. Tous ont les mêmes motivations de parvenir à une expansion géographique maximale, en s’appuyant sur leurs moyens capitalistiques et leur savoir-faire. Pourtant rares sont les banques qui ont une présence véritablement continentale. Seule les banques comme Ecobank, Bank of Africa et United Bank for Africa sont parvenu à toucher au moins deux zones linguistiques. Mais la majorité des banques peinent à sortir de leur espace linguistique, voir même national.

D’après une étude publiée début 2018 par le cabinet d’audit et de conseil McKinsey, l’Afrique est le deuxième marché bancaire à l’échelle mondiale en termes de rentabilité et de croissance. Le nombre d’africains possédant un compte bancaire est passé de 170 millions, en 2012, est passé à près de 300 millions en 2017. Ce chiffre devrait atteindre 450 millions, dans les cinq prochaines années. Les revenus du secteur à l’échelle continentale devraient, quant à eux, passer de 86 milliards de dollars en 2017 à 129 milliards, en 2022.   Selon la même étude, les revenus du secteur bancaire africain ont progressé à un taux annuel de 11% entre 2012 et 2017.  Et durant les cinq prochaines années ce taux devrait tourner autour de 8,5% par an, qui sera le niveau de croissance le plus élevé à l’échelle mondiale.

Cependant on peut constater que le secteur bancaire africain est en état relativement embryonnaire mais dynamique. En dix ans, le taux de bancarisation est passé de 5,7 % à 15,7 %, c’est qui montre l’évolution du secteur. En Afrique subsaharienne, le taux de bancarisation est encore plus faible. Cela est due notamment au fait que les banques locales ont du mal à convaincre leurs potentiels clients. Elles n’offrent pas assez des produits adaptés aux réalités et aux besoins de la population locale et de se focaliser plus sur les grands clients, c’est-à-dire les entreprises. A cela viennent s’ajouter les divers frais comme les frais d’ouverture de compte appliqués par les banques. Cette situation a aussi un impact sur cette faible bancarisation dans la région.   Il faut aussi ajouter que le secteur informel occupe une partie importante dans l’économie des pays africains.

En Afrique subsaharienne où une grande partie de la population est de confession musulmane, les banques classiques ne sont pas vu d’un bon œil dans le milieu conservateur du fait de leur sensibilité à l’usure. Les alternatifs comme les banques islamique ou participative commence à voir le jour mais ces structures se sont montrées inefficace à proposer des produits adéquats à la population.

Une intégration du secteur bancaire turc en Afrique

Compte tenu les échanges commerciaux qui y est entre la Turquie et le continent africain et les aspirations de la Turquie de porter le volume de ces échanges commerciaux à 100 milliards de dollar à l’horizon 2023, le temps est peut-être venu de penser à une intégration financière. La libéralisation financière présente des avantages principalement aux entrepreneurs et aux investisseurs. Elle permettra ainsi de réduire le coût de capital grâce à un meilleur partage des risques et de ce fait les entrepreneurs pourront bénéficier d’une augmentation de la valeur actuelle nette des projets d’investissement à la suite de la baisse du coût de capital. En libéralisant le flux de fond et des capitaux entre la Turquie et le continent africain, le volume des échanges commerciaux et les investissements dont le continent à vraiment besoin pour son développement afficheront naturellement une croissance.

La Turquie qui a déjà atteint un certain niveau d’expertise en matière de banque islamique (appelée banque participative en Turquie), pourra aider le secteur bancaire africain à remplir ce vide.  L’expansion surtout des banques dites participatives en Afrique pourra avoir un effet positif sur le secteur de la finance. D’abord ces banques rendront le marché de la finance plus compétitives et ainsi la population aura des produits bancaires plus diversifiés. Avec l’expertise que les banques participatives turc ont, elles pourront éviter la thésaurisation réunissant et en canalisant les fonds gardés hors du circuit financier par la classe sensible aux intérêts bancaire et à l’usure. Ceci aura comme conséquence la croissance des épargnes et des investissements.

Une intégration financière entre l’Afrique et la Turquie avantagera les deux cotés. Elle bénéficiera à la Turquie d’un nouveau marché qui promet une forte rentabilité et plus d’expansion. Cela favorisera aussi les investissements directs et fera augmenter le volume des échanges entre les deux partenaires et surtout de permettre à l’Afrique de diversifier ses produits bancaires. Pour que cela devienne une réalité, plus d’effort et de volonté politique est nécessaire de la part des dirigeant turcs et africains.

Sources

Partenariat, Union Africaine, https://au.int/fr/partenariats

Türkiye-Afrika İlişkileri, Türkiye Cumhuriyeti Dışişleri Bankalığı, http://www.mfa.gov.tr/turkiye-afrika-iliskileri.tr.mfa

Turquie: Présentation du partenariat, Banque Africaine du Développement, https://www.afdb.org/fr/countries/non-regional-member-countries/turkey/

Şahin Erduran, Türkiye-Afrika Ekonomik İlişkileri, 2014 http://akademikperspektif.com/2014/08/19/turkiye-afrika-ekonomik-iliskileri/

Ufuk Tepebaş, Afrika ile Ticari ilişkiler, Basel Üniversitesi Afrika Çalışmaları Merkezi.

Zuhal MANSFIELD, Türkiye Ile Afrika Arasindaki Ekonomik Ilişkilerini Genel Görünümü.

Moussa Diop, Turquie-Afrique. Diplomatie Economique d’Erdogan : Les chiffres parlent d’eux même, le360 Afrique http://afrique.le360.ma/algerie-senegal-autres-pays/politique/2018/03/04/19498-turquie-afrique-diplomatie-economique-derdogan-les-chiffres-parlent-deux

L’Afrique est le 2ème marché bancaire mondial en matière de croissance et de rentabilité, selon McKinsey, Agence Econfin,  https://www.agenceecofin.com/banque/0103-54813-lafrique-est-le-2eme-marche-bancaire-mondial-en-matiere-de-croissance-et-de-rentabilite-selon-mckinsey

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Yazar Hakkında

Nassir Mahamat Adoum Doutoum, 1995 yılında Encemine-Çad’da doğdu. İlköğretimi Encemine’de, liseyi ise Bamako-Mali’de başlayıp Encemine’de tamamladı. Eskişehir Osmangazi Üniversitesi İktisat bölümden 2018 yılında mezun oldu. 2018-2019 eğitim-öğretim yılında İstanbul Medeniyet Üniversitesi İktisat Anabilim dalında tezli yüksek lisans eğitimine başlamıştır. Arapça, Mabaca ve İngilizce’nin yanı sıra Fransızca ve Türkçe’yi ileri seviyede bilmektedir. İlgi duyduğu alanlar İslami bankacılık, iktisadi kalkınma ile uluslararası ticarettir.

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